Les maisons et immeubles anciens, bien typés, bien bâtis, font partie de notre héritage commun. Le maintenir en vie en les respectant est un devoir. Tout intervention inappropriée ou brutale est une perte de leur valeur patrimoniale qui les fragilise et les banalise.
Maisons paysannes de France
Jill Culiner sur les traces
de Félix Desille,
un promeneur en Mayenne.
Félix Desille est né à Laval en 1862. Ce fils d’un tenancier de café-billard était un homme discret. Comptable de profession, il était aussi passionné par le dessin et le bâti ancien. Pendant toute sa vie, il a voyagé dans son propre pays, la Mayenne, s’arrêtant dans les villages pittoresques à la recherche d'églises, auberges ou maisons remarquables. Et il les dessinait, les peignait à l’aquarelle, captant leur beauté, leur originalité, en soulignant la fragilité de ce patrimoine irremplaçable si dépendant de respect et de compréhension.
Desille est mort en 1952 et, curieuse de savoir ce que sont devenus ces bâtiments dessinés par lui, je me suis mise à leur recherche… non sans appréhension. Et je constate que si les églises et les manoirs sont en général préservés, ce n’est hélas pas le cas du petit patrimoine.
Cette architecture vernaculaire a été largement détruite ou modifiée par des propriétaires peu avertis, voire irresponsables, qui ont accepté l’utilisation de produits modernes prônés par des entrepreneurs indifférents, de bons vendeurs des centres bricolages et d’entreprises commerciales. Et encouragé par la maison des voisins retapée, le savoir-faire d’un beau-frère bricoleur, une belle-sœur fana de déco, l’esthétique du lotissement, des revues colorées qui présentent la tendance du moment, on continue de sacrifier le patrimoine.
Autres responsables de cette dégradation, les organismes qui accordent des subventions, qui exigent des rénovations aux normes thermiques sans vouloir comprendre que le bâti ancien vit avec son environnement (eau, air, climat) grâce à un équilibre subtil et fragile ; que, bien traité, bien conservé, il présente d’assez bonnes performances thermiques ; et que les matériaux inadaptés risquent de dégrader ou détruire sa pérennité.
Si on est toujours fier de notre patrimoine parce qu’il représente l’histoire, l’originalité et un caractère régional, les propriétaires d’aujourd’hui veulent quand même montrer qu’ils ont les moyens de moderniser, qu’ils sont bien plus « évolués » que leurs parents, et qu’ils se conforment à la nouvelle obsession de la propreté, et à l’esthétique dernier cri. Et voilà le résultat : des villages tristes et fades avec des maisons anciennes banalisées par les couches de ciment jaune ou rose, les portes « design » et les grandes baies en PVC, le tout entouré par une végétation bien domptée, bien domestiquée
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